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que je ne remplisse mon devoir ; vos cinq pieds dix pouces ne vous empêcheraient pas d’être fusil le dans deux heures. »

Cependant, quant à la conduite vis-à-vis de l’ennemi, l’Empereur disait que cette armée ne cessa jamais d’être l’armée d’Italie, qu’elle fut toujours admirable. Ceux surtout que l’Empereur appelait la faction des amoureux à grands sentiments ne pouvaient être conduits ni gouvernés ; leur esprit était malade ; ils passaient les nuits à chercher dans la lune l’image réfléchie des idoles qu’ils avaient laissées au-delà de la mer. À la tête de ceux-ci se trouvait celui qu’il a solennellement décoré plus tard du beau nom de son compagnon d’armes, faible et sans esprit, qui, lorsque le général en chef fut sur le point d’appareiller de Toulon, accourut de Paris en poste, jour et nuit, pour lui dire qu’il était malade et qu’il ne pouvait pas le suivre, bien qu’il fût son chef d’état-major. Le général en chef n’y fit seulement pas attention. Il n’était plus aux pieds de celle qui l’avait dépêché pour s’excuser ; aussi s’embarqua-t-il ; mais, arrivé en Égypte, l’ennui le saisit, il ne put résister à ses souvenirs ; il demanda et obtint de retourner en France. Il prit congé de Napoléon, lui fit ses adieux ; mais revint bientôt après, fondant en larmes, disant qu’il ne voulait pas, après tout, se déshonorer, qu’il ne pouvait pas non plus séparer sa vie de celle de son général.