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RACINE.

satisfaire dans la nouvelle tragédie. Onze ans après, en 1684, Dangeau constate que, de toutes les pièces, non seulement de Racine, mais de la « comédie Françoise », c’est encore Mithridale « qui lui plaît le plus ». Les héros sentaient de même : ainsi Charles XII et le prince Eugène de Savoie.

D’Andromaque à Mithridate, Racine avait traité un sujet grec, mais avec une grande liberté d’invention ; à trois reprises il avait profondément pénétré l’histoire romaine ; il avait deviné l’Orient contemporain. Avec Iphigénie et Phèdre, il va s’attacher étroitement aux modèles grecs. Dans la pleine possession de son génie, il tente une lutte respectueuse avec les œuvres où il voit la plus pure expression de l’art dramatique. Le choix même de ces modèles atteste la profondeur de son admiration. Il n’essaye pas de lutter avec Sophocle, dont la perfection lui semble inimitable ; il s’attache à Euripide, plus accessible.

La légende d’Iphigénie a deux aspects, l’un gracieux, l’autre terrible, que les tragiques grecs ont combinés. Lucrèce, qui l’a résumée en quelques vers d’une sombre beauté, n’en a voulu montrer que l’horreur. Dans sa préface, par l’énumération de ces divers modèles, Racine montre qu’il les a tous médités ; mais, en suivant Euripide, il pouvait mettre en lumière ce qu’il aimait par-dessus tout, une lutte des sentiments : le conflit, dans l’âme d’Agamemnon, du devoir royal et de l’amour paternel.

Il semble, du reste, que la légende d’Iphigénie le préoccupait depuis longtemps. Le plan en prose du premier acte d’une Iphigénie en Tauride, retrouvé dans ses papiers, est peut-être antérieur à l’Iphi-