Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61
CARRIÈRE THÉÂTRALE.

mière représentation, — si c’est bien lui que désigne Boursault, — ne fut pas entièrement juste. Il trouvait que Britannicus était « la pièce de Racine dont les vers sont les plus finis », et que l’auteur « n’avait jamais fait de vers plus sentencieux », c’est-à-dire plus nourris de pensée. En revanche, il critiquait au dénouement l’entrée en religion de Junie, comme peu conforme aux mœurs romaines, et il trouvait « Britannicus trop petit devant Néron ».

Il semble que la pièce fut arrêtée dès la huitième représentation, après un demi-succès. Elle se releva, comme Racine le constate fièrement au début de la seconde préface : « Les critiques se sont évanouies ; la pièce est demeurée. » En attendant, le poète avait obtenu l’approbation de Colbert. Il semble aussi qu’elle fit sur Louis XIV une vive impression, s’il est vrai que, beau danseur et aimant à figurer dans les ballets de la cour, il ait renoncé depuis Britannicus à un divertissement qui pouvait rappeler Néron se donnant « en spectacle aux Romains ».

Britannicus était sorti d’une profonde étude de Tacite. Une courte phrase de Suétone donnait à Racine le sujet de Bérénice. Il a raconté, dans la préface de la pièce, pour quelles raisons d’art ce sujet l’avait séduit : « Nous n’avons rien de plus touchant chez tous les poètes », et il est « extrêmement simple ». Son âme tendre y retrouvait le thème mélancolique de la séparation, illustré par Virgile et Catulle : Bérénice et Titus renouvelaient dans l’histoire l’aventure fabuleuse de Didon et d’Enée, d’Ariane et de Thésée. En outre, il pouvait y tenter l’ambition qu’il nourrissait depuis longtemps de com-