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carrière théâtrale.

total, Boursault conclut que « la pièce n’a pas eu tant de succès qu’on s’en étoit promis ».

Racine s’est montré jusqu’ici fort impatient des critiques ; cette fois, il est exaspéré. Dans ses deux préfaces, il se défend avec une colère vibrante. Les termes de mépris se pressent sous sa plume à l’égard de ceux qui s’efforcent « de le décrier ». « Il n’y a point de cabale qu’ils n’aient faite, point de critique dont ils ne se soient avisés. Il y en a qui ont pris même le parti de Néron contre moi. » Il en veut surtout à Corneille, moins pour ce qu’il a pu dire que pour l’usage que les envieux font de ce grand nom. Dans son irritation, il oublie qu’il a été l’agresseur. Déjà, dans les Plaideurs, il s’était amusé à parodier quelques vers du Cid :

Ses rides sur son front gravoient tous ses exploits.
Viens, mon sang, viens, ma fille !…
Achève, prends ce sac…

« Quoi, disait Corneille, ne tient-il qu’à un jeune homme de venir tourner en ridicule les plus beaux vers des gens ? » Cette fois, le jeune homme oublie tout à fait le respect qu’il doit à son grand devancier. Puisqu’on lui oppose la poétique de celui-ci, il la juge à son tour. On trouvera, dans la seconde partie de cette étude, le passage et sa discussion. Ce qui est plus grave qu’une erreur de jugement et des boutades d’auteur piqué, ce qui touche le caractère de Racine, c’est qu’il est injurieux pour la personne même de son rival. Il reprend à son sujet ce que dit Térence « d’un vieux poète malintentionné, malevoli veteris poetæ, qui venoit briguer des voix