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PREMIÈRES TRAGÉDIES.

Il aimera encore, et, comme Mlle du Parc, Mlle Champmeslé est inséparable de sa biographie, mais pas de la même manière, à ce qu’il semble. Il sera plus accommodant avec celle-ci et la quittera sans effort. Dans Mlle du Parc, il vit surtout la femme, dans Mlle Champmeslé, l’interprète. Par Mlle du Parc, il dut éprouver, selon ses propres expressions, que « l’amour est celui de tous les dieux qui sait le mieux le chemin du Parnasse. »

Après un temps de vive irritation chez Molière, qui fera jouer sur son théâtre la Folle Querelle, parodie d’Andromaque par Subligny, Molière et Racine, au dire des contemporains, « ne cessèrent pas de s’estimer et de se rendre mutuellement une exacte justice » ; ils furent même « réconciliés » par leurs amis communs, sans toutefois qu’une « liaison particulière » reprît entre eux. Molière disait, en sortant des Plaideurs, « que ceux qui se moquoient de cette pièce mériteroient qu’on se moquât d’eux ». Racine disait à Boileau, à propos de l’Avare : « Je vous vis dernièrement à la pièce de Molière, et vous riiez tout seul sur le théâtre. — Je vous estime trop, lui répondait Boileau, pour croire que vous n’y ayez pas ri, du moins intérieurement. » Ainsi, dans la réconciliation et l’estime mutuelle, Molière apportait plus de bonne grâce que Racine. Cette réconciliation ne sera complète que par la mort de Molière, lorsque, dans les plus beaux vers et les plus émus qu’il ait écrits, Boileau mettra Racine et Molière sur le même rang, dans son affection et son admiration.