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RACINE.

Racine était amoureux de Mlle du Parc, à laquelle il avait donné le rôle d’Axiane dans Alexandre, et qu’il allait enlever à Molière pour lui faire jouer Andromaque à l’Hôtel de Bourgogne. L’actrice était « charmante et triomphante ». Molière l’avait aimée, sans succès. Elle avait inspiré à Corneille une passion sénile et touchante qui resta platonique, bien malgré lui, et lui inspira des vers charmants de dépit et de fierté. La Fontaine, bien entendu, ne manqua pas cette occasion de soupirer. Tout en repoussant de tels hommages, Mlle du Parc n’était rien moins qu’une Lucrèce, et il semble bien qu’elle ait fait beaucoup d’heureux, plus obscurs. Si nous manquons de détails sur la passion de Racine, nous savons qu’elle fut vive, et il est possible que le poète lui ait dû en partie sa profonde connaissance de l’amour. Une telle liaison, une de ces passions amères et prenantes dont le théâtre a le privilège, était capable de lui apprendre la jalousie, et nul poète ne l’a peinte de traits plus vigoureux. Mlle du Parc faisait volontiers au public les honneurs de sa beauté. Elle ne se contentait pas de jouer la comédie : elle brillait « dans les danses hautes ». Un contemporain nous apprend qu’« elle faisoit certaines cabrioles remarquables, car on voyoit ses jambes, par le moyen d’une jupe qui étoit ouverte des deux côtés ». Ce genre de spectacle enchante le public et torture un amant. Lorsque Mlle du Parc mourra en couches, au mois de décembre 1668, après avoir créé le rôle d’Andromaque, le poète laissera éclater son désespoir. Le chroniqueur Robinet le montre suivant « à demi-trépassé » le convoi de la comédienne.