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PREMIÈRES TRAGÉDIES.

annonce Hermione et Eriphyle. Non seulement le progrès était immense de la Thébaïde à Alexandre, mais, comme l’avait dit Saint-Évremond, dans celui-ci se révélait un digne successeur du vieux Corneille.

Deux semaines après la première représentation, le 18 décembre, la troupe de Molière, qui avait joué Alexandre d’original, « était surprise » de le voir paraître aussi sur la scène rivale, à l’Hôtel de Bourgogne. L’honnête La Grange relevait dans son registre, avec son habituelle modération de termes, le procédé d’un auteur « qui en usoit si mal ». D’après Louis Racine, le poète se trouvait médiocrement joué au Palais-Royal, et il semble, en effet, que l’Hôtel de Bourgogne avait de meilleurs acteurs pour la tragédie. Cela n’excuse pas le procédé. Il se peut que les obligations de Racine envers Molière aient été exagérées et qu’il n’ait pas reçu de lui certain prêt de cent louis à ses débuts. Mais, sans écraser, comme il est d’usage, « l’ingratitude » de Racine avec « la générosité » de Molière, il est certain que l’auteur à Alexandre ne se montrait dans cette circonstance ni respectueux, comme disent les frères Parfaict, de « l’usage observé de tout temps entre les comédiens françois de n’entreprendre point de jouer, au préjudice d’une troupe, les pièces dont elle étoit en possession et qu’elle avoit mises au théâtre à ses frais particuliers », ni courtois envers un directeur qui l’avait déjà joué, ni délicat envers un homme plein de droiture.

Au motif qui explique sa conduite, s’il ne la justifie pas, il faut sans doute en joindre un autre, encore plus fort. Il est probable que, dès ce moment,