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RACINE.

quatre amis sont allés y passer une belle journée d’été. Ils s’appellent Polyphile, Ariste, Acante et Gélaste. Polyphile est La Fontaine, qui « aimait toutes choses » ; Ariste, Boileau, l’homme d’excellent jugement ; Acante, Racine, et M. Paul Mesnard donne de ce surnom une explication aussi jolie que vraisemblable : il fait « songer à la plante élégante et flexible, mollis acanthus, dont les formes sont les plus délicates et les plus ornées que la sculpture ait choisies pour modèle, à cette plante qui parfois aussi a ses épines et sait piquer ». Quant à Gélaste, qui « était fort gai », il est toujours permis d’y voir Molière, — avec quelques traits qui conviendraient plutôt à Chapelle, — si l’on admet que, publiée en 1669, lorsque Racine et Molière étaient brouillés depuis quatre ans. Psyché avait pu être commencée beaucoup plus tôt.

C’est Acante qui a proposé, « selon sa coutume, une promenade en quelque lieu, hors de la ville, qui fût éloigné, et où peu de gens entrassent », car « il aimoit extrément les jardins, les fleurs, les ombrages ». Ces passions lui étaient communes avec Polyphile et « leur remplissoient le cœur d’une certaine tendresse, se répandoient jusqu’en leurs écrits et en formulent le principal caractère ». La conversation s’engage sur la comédie et la tragédie. Acante vante la douceur des larmes : « Nous pleurerons… La compassion a aussi ses charmes, qui ne sont pas moindres que ceux du rire ; je tiens même qu’ils sont plus grands. » À un moment de la lecture vient cette exclamation : « Amants heureux, il n’y a que vous qui connaissiez le plaisir ! » Sur ces mots, « Acante,