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RACINE.

quelque temps après, Nicole ayant inséré les réponses de Barbier d’Aucourt et de Du Bois dans une édition des Imaginaires, avec quelques lignes méprisantes pour l’auteur de la première lettre, Racine, fort susceptible, se préparait à faire imprimer la seconde, avec une préface de même esprit et de même style. L’honnête Boileau se mit encore en travers du projet : « Cela est fort joliment écrit, lui dit-il, mais vous ne songez pas que vous écrivez contre les plus honnêtes gens du monde. » « Cette parole, ajoute Jean-Baptiste Racine, le fils aîné du poète, fit aussitôt rentrer mon père en lui-même ; il supprima sa seconde lettre et sa préface, et retira le plus qu’il put des exemplaires de la première. » Bien plus tard, après le retour de Racine aux idées jansénistes, un de ses ennemis, l’abbé Tallemant, lui reprocha un jour cette faute de jeunesse, en pleine Académie : « Oui, monsieur, lui répondit Racine, vous avez raison ; c’est l’endroit le plus honteux de ma vie, et je donnerois tout mon sang pour l’effacer. » Ce repentir était sincère, mais Racine, s’il se privait du plaisir de la publication, était trop auteur pour détruire deux morceaux aussi bien venus. Il les avait serrés dans ses papiers, où ils furent retrouvés après sa mort.

La rupture avec Port-Royal allait durer dix ans. Pendant cette période, Racine semblera fort dégagé de Port-Royal. En réalité, il lui restera profondément attaché, et c’est l’esprit de Port-Royal qui dirigera l’exercice de son génie. Le plus haut degré de ce génie, avec Phèdre marquera son rapport le plus étroit avec la doctrine des solitaires, assez étroit pour