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RACINE.

trouva moyen d’en avoir un autre exemplaire, qui eut le même sort, et qui l’engagea à en acheter un troisième ; et, pour n’en plus craindre la proscription, il l’apprit par cœur, et le porta au sacristain en lui disant : Vous pouvez brûler encore celui-ci comme les autres. »

Quoique Port-Royal n’accordât pas aux vers latins la large place que leur donnaient les Jésuites, Racine en composait avec succès. Il reste de lui une élégie latine, Ad Christum, où perce quelque chose de la plainte touchante qui inspirera les chœurs d’Esther et d’Athalie. Mais il s’exerce déjà dans la poésie française, et l’on voit, au grand nombre de ses essais en ce genre, où le portaient de bonne heure ses préférences. Il commençait une traduction de quelques hymnes du bréviaire romain, qu’il reprendra plus tard pour la perfectionner. Il composait des odes descriptives sur le paysage de Port-Royal.

Le caractère du site l’avait beaucoup frappé. C’est, proche de Versailles et de Chevreuse, un vallon solitaire entouré de bois, jadis très épais, parmi lesquels pointaient les clochers de rares villages. Au fond, un étang aujourd’hui desséché étendait sa nappe stagnante. Dans la langue du temps, Port-Royal était « affreux et sauvage » ; pour les solitaires eux-mêmes, c’était « le désert ». En réalité ou, du moins, pour notre goût formé par le romantisme, c’est un site agréable d’où se dégage une impression de sérénité mélancolique, mais où l’on n’éprouve pas l’impression pénible qu’il causait aux admirateurs de Versailles.

Racine, lui, en a surtout goûté le charme. L’ap-