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RACINE.

au profit non seulement du romantisme, mais du xviiie siècle, retrouvait à son tour la justice dans la critique et dans l’histoire.

Les pièces de théâtre sont faites pour être jouées, et la lecture n’est pour elles qu’un pis aller. Jusqu’en 1830, Racine était resté en contact permanent avec le public. Un moment délaissé, il reprenait bien vite sa place. Dès 1838, avant même la date fameuse, 7 mars 1843, qui, par la chute des Burgraves, marque le déclin rapide du théâtre romantique, Rachel avait ramené la foule au théâtre classique. Les lointains voyages de la grande tragédienne, l’agonie prolongée du drame et la robuste fécondité de la comédie, avec Émile Augier et Alexandre Dumas, ralentissaient le mouvement commencé en faveur de Corneille et de Racine, mais ils ne l’arrêtaient pas.

L’immense malheur de 1870, en nous obligeant à chercher partout des motifs de réconfort et des moyens de relèvement, procurait à l’école d’héroïsme et de grandeur morale qu’est la tragédie du xviie siècle, une ferveur d’admiration douloureuse. Il y a du paradoxe dans la belle page de Henri Heine où Racine est présenté comme « le premier poète moderne », par antithèse avec Corneille, en qui « râle la voix de la vieille chevalerie » ; mais, de lui comme de Corneille, ceci est une vérité : « Qui sait combien d’actions d’éclat jaillirent des vers du tendre Racine ? Les héros français qui gisent enterrés aux Pyramides, à Marengo, à Austerlitz, à Iéna, à Moscou, avaient entendu les vers de Racine, et leur empereur les avait écoutés de la bouche de Talma. » L’extension