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LE STYLE ET LA POÉSIE DE RACINE.

pour but d’ouvrir la voie au nouveau théâtre. Racine, modèle du théâtre classique, était un obstacle ; le diminuer, c’était servir la cause du romantisme.

Lorsque, le cycle romantique fermé, on put le juger sur ses résultats, le même Sainte-Beuve fut le premier à constater la banqueroute théâtrale de ses anciens amis. L’imbroglio au lieu d’action et le badigeonnage remplaçant la couleur, la convention dans les mœurs et dans les caractères, une philosophie aussi déplacée que celle de Voltaire dans son Œdipe, le lyrisme se substituant à l’observation, c’est tout le théâtre romantique. On peut appliquer au romantisme avec une parfaite justesse la remarque paradoxale de Sainte-Beuve sur Racine : Il a réussi en tout, sauf au théâtre.

Le réalisme, avec sa sécheresse, l’école du bon sens avec ses platitudes, le naturalisme avec sa brutalité, venant après l’échec du romantisme, travaillaient pour Racine. En même temps, par l’élargissement du goût et le développement du sens historique, l’auteur d’Andromaque et de Phèdre était replacé à sa date et compris en lui-même. On lui savait gré de sa mesure et de son élégance, de sa pureté et de son harmonie, de sa simplicité et de sa modestie, de cette aisance dans la perfection qui était un charme reposant après les exagérations, les inégalités et les bouffissures, comme après les duretés, les faiblesses et les obscénités. Surtout, on le séparait nettement des disciples qui l’avaient compromis en abusant de son nom, de ces pseudo-classiques qui avaient prétendu continuer la tragédie. On aimait en lui la marque de son temps, et ce temps, déprécié lui-même