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RACINE.

C’est lui qui, engagé dans une partie dont sa tête est l’enjeu, ne veut payer qu’à bon escient :

S’il ose quelque jour me demander ma tête….
Je ne m’explique point, Osmin, mais je prétends
Qu’il faudra, s’il la veut, la demander longtemps.

C’est encore lui qui rappelle avec cette tranquillité une exécution sommaire :

Cet esclave n’est plus. Un ordre, cher Osmin,
L’a fait précipiter dans le fond de l’Euxin.

Pour le même motif, c’est lorsque Racine accorde davantage à l’expression qu’à la pensée, c’est-à-dire trop, lorsqu’il caresse et orne son vers de parti pris, qu’il donne dans le faux goût. Le désir de l’harmonie et de l’élégance lui fait employer des expressions trop générales et, par suite, vagues, comme son éternel « flatte », des mots de pur remplissage, comme « tout » et « toujours », « cent » et « mille », des périphrases courtes, mais inutiles, comme le « fatal tissu », ou prolongées avec une adresse trop visible. Ainsi, dans Phèdre, ce long circuit pour dire deux choses fort ordinaires :

Les ombres par trois fois ont obscurci les cieux
Depuis que le sommeil n’est entré dans vos yeux,
Et le jour a trois fois chassé la nuit obscure
Depuis que votre corps languit sans nourriture.

Il laisse à Corneille l’inversion, que ses successeurs reprendront pour en faire grand abus. En revanche, il emploie de manière constante un procédé qui est aussi fréquent chez Molière que chez