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ENFANCE ET JEUNESSE.

sa finesse et son besoin d’aimer se développaient sous la douceur et le tact de maîtres que la fermeté morale et l’élévation du but visé préservaient de toute mollesse. À l’école de ces psychologues et de ces moralistes, si sérieusement occupés à connaître les faiblesses de l’homme pour y remédier, il apprenait à pénétrer les secrets du cœur. Comme la sensibilité, il avait reçu ce don en naissant, mais tout, à Port-Royal, tendait à le développer. Il s’imprégnait de la doctrine maîtresse du jansénisme, l’impossibilité pour l’homme d’arriver au bien par ses propres forces et la nécessité de la grâce divine, qu’il doit s’efforcer de mériter, sans la certitude de l’obtenir. On lui enseignait que les passions triomphent avec une facilité effrayante de la volonté humaine et qu’elles vont jusqu’au bout d’elles-mêmes, avec une logique irrésistible, si le secours de Dieu ne les arrête pas.

Surtout il apprenait à apprendre, et, plus tard, appliquant les principes reçus à Port-Royal, il compléta son éducation en se donnant les connaissances dont témoignent ses œuvres, sa correspondance, ceux de ses livres qui nous ont été conservés avec ses annotations, le catalogue de sa bibliothèque. Il connut à fond les livres saints et les deux antiquités. Avec Bossuet, il est celui de nos grands écrivains qui doit le plus à la Bible. Grâce à elle, il osa enfreindre le principe étroit de Boileau sur les sujets chrétiens et donner un pendant à Polyeucte. Il comprit et aima la Grèce, à peu près ignorée de son temps. La partie la plus originale et la plus belle de son théâtre, avec ses deux pièces bibliques,