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LES SUJETS.

Iphigénie, le dénouement, modifié par pitié pour l’innocence de la jeune fille, imposait au poète de la donner à Achille. Quant à ses autres pièces, elles montrent la mort, la folie, la séparation et le suicide comme la conséquence de l’amour.

Aussi Racine excelle-t-il dans la peinture de l’amour malheureux. Le romantisme, avec ses Antonys et ses Didiers, n’a pas un héros aussi profondément et, surtout, aussi sincèrement malheureux qu’Oreste ; il n’a pas une héroïne qui soutienne la comparaison avec Phèdre et Roxane. La pire douleur que puisse causer l’amour est la jalousie. Racine a donné la première place à la jalousie dans quatre des sept pièces où il a peint l’amour. Les cris de rage poussés par Roxane et Phèdre n’ont pas d’égaux pour l’intensité et la vérité. Roxane, c’est la jalousie à qui l’image poignante de la trahison donne la soif du sang :

Dans ma juste fureur observant le perfide,
Je saurai le surprendre avec son Atalide
Et, d’un même poignard les unissant tous deux,
Les percer l’un et l’autre, et moi-même après eux.

Phèdre, c’est la jalousie qui, par une certitude soudaine, reconstitue d’un coup d’œil ce qu’elle craint et compare le bonheur d’autrui à l’excès de son malheur :

Ils s’aiment ! par quel charme ont-ils trompé mes yeux ?

Comment se sont-ils vus ? Depuis quand ? Dans quels lieux ?
 
Les a-t-on vus souvent se parler, se chercher ?
Dans le fond des forêts alloient-ils se cacher ?
 
Tous les jours se levoient clairs et sereins pour eux.