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RACINE.

rabattre quelque chose de l’admiration exprimée sur les chœurs d’Esther par le xviiie siècle, médiocre juge en fait de poésie. Les Cantiques spirituels, au contraire, soutiennent la comparaison avec les plus belles pièces religieuses de Lamartine. Ils sont aussi inspirés, aussi harmonieux et plus serrés de composition.

Les représentations d’Esther et d’Athalie marquent la plus haute faveur de Racine. À partir de ce moment, il semble qu’elle ait décliné et que, si le poète n’a pas connu la disgrâce positive et, à plus forte raison, s’il n’est point mort du chagrin que lui aurait causé le mécontentement du roi, il a été obligé de se défendre et a conçu une vive douleur d’avoir déplu.

Ce déclin semble avoir eu deux causes, également honorables.

Louis XIV détestait les jansénistes autant que les protestants. S’il ne les a pas persécutés avec la même atrocité, c’est que, moins nombreux et ne résistant à l’Eglise que sur des points secondaires du dogme, ils offraient moins de prise aux rigueurs. Or, depuis sa réconciliation avec ses anciens amis. Racine entretenait avec eux les relations les plus étroites et les moins cachées. Il visitait fréquemment Nicole et l’assistait dans sa dernière maladie. Le grand Arnauld, réfugié à l’étranger, lui écrivait : « Je me flatte qu’il n’y a guère personne que vous aimiez plus que moi. » Racine négociait son retour et le consultait sur ses ouvrages. Lorsque le cœur de l’exilé fut porté à Port-Royal, Racine, seul parmi les amis du dehors, assistait à la cérémonie.