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RACINE.

de Boileau, dans la querelle des anciens et des modernes ; il s’employait avec lui à faire entrer La Bruyère à l’Académie.

Traiter sous forme dramatique un « sujet de piété et de morale », en confier l’interprétation à des jeunes filles, pour les instruire et les édifier, c’était revenir à la poésie sans abandonner la foi. C’était encore le moyen de réaliser une forme d’art qu’il définit ainsi : « Je m’aperçus qu’en travaillant sur le plan qu’on m’avoit donné, j’exécutois en quelque sorte un dessein qui m’avoit souvent passé dans l’esprit, qui étoit de lier, comme dans les anciennes tragédies grecques, le chœur et le chant avec l’action, et d’employer à chanter les louanges du vrai Dieu cette partie du chœur que les païens employoient à chanter les louanges de leurs fausses divinités. » Il y avait là suffisamment de motifs pour que Racine se mit à l’œuvre avec ardeur. Commencée, semble-t-il, au milieu d’août 1688, la tragédie d’Esther était terminée avant la fin de la même année.

Le choix de cette histoire biblique est d’un chrétien et d’un courtisan. Elle devait plaire également à Louis XIV et à Mme de Maintenon. Elle était « pleine de grandes leçons d’amour de Dieu et de détachement du monde au milieu du monde même ». Elle offrait à Louis XIV sa propre image dans la figure d’Assuérus, puissant et juste, majestueux et aimable, terrible et bon ; à Mme de Maintenon l’apologie sacrée de sa prodigieuse fortune, la peinture idéale de son caractère et de son rôle auprès du grand roi et surtout de la protection qu’elle étendait sur la maison de Saint-Cyr. Par delà ces motifs