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VIE DE FAMILLE ET DE COUR.

le caractère de Racine. Il y avait dans sa nature un besoin de noblesse et d’élégance qui s’était exprimé d’abord par la création poétique, et un besoin d’aimer qui avait trouvé son emploi dans les passions de théâtre, avant de s’absorber dans les affections de famille. Ces deux besoins ne faisaient que changer d’objet en se tournant vers Louis XIV et les « pompeuses merveilles » qui entouraient le roi comme les cérémonies d’un culte. Il faut tenir compte de tout cela pour être juste envers Racine courtisan. S’il a plus grand besoin qu’aucun de ses contemporains de cette équité indulgente, c’est qu’il poussait les convictions communes plus loin que le plus sincère de tous.

Le culte de la personne royale la mettait au-dessus de la morale usuelle et s’étendait à tout ce qu’elle touchait. Aussi les plus honnêtes gens et les chrétiens les plus sincères se trouvaient-ils fort honorés par la protection de Mme de Montespan. Les contemporains disent expressément que Racine et Boileau furent désignés par elle au roi pour les fonctions d’historiographe. Si sincère et si complet que fût le renoncement de Racine à la poésie, il n’osait pas refuser lorsqu’elle lui proposait de travailler avec Boileau à un opéra de Phaéton ; l’idée abandonnée par la favorite, il y renonçait lui-même avec empressement, et « par délicatesse de conscience », dit Boileau, il supprimait ce qu’il avait écrit, mais il avait commencé par obéir. Il se montrait aussi docile lorsque des vers lui étaient demandés pour orner les œuvres plus ou moins personnelles du jeune duc du Maine.