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Ah ! l’abominable fièvre de l’or ! comme je l’ai vue de près, perçue, sentie, pendant mon dernier séjour à New York.

Depuis un an, je n’avais pas revu cette ville : mais quels progrès inouïs elle a fait dans le luxe, la sensualité, la volonté de jouir, de jouir vite de cette vie trop courte ! J’ai vu à Broadway, à la porte des théâtres et des cinémas des queues interminables de gens pressés de s’amuser, des femmes se promenant les bras nus, avec des toilettes et des robes d’un prix fou.

Je me suis amusé à dévisager dans la rue les « businessmen » courant à leurs affaires. Tout le monde est « business » à New York. Tous ont les traits tirés, la physionomie soucieuse, le regard vague. Ils sont comme hallucinés par le roulement de tonnerre du chemin de fer élevé, le fracas des tramways, les trompes des automobiles. La population semble toute entière neurasthénique. On ne vit là que pour soi, on ne pense qu’au dollar : plus de morale, plus d’amour du prochain, plus d’aspirations artistiques. N’ai-je pas vu la reproduction en or (!) de l’admirable Vénus de Milo, dans la maison d’un financier ? Ce dernier avait fait adapter aux bras coupés de la célèbre statue mutilée, deux splendides ampoules électriques qui éclairaient son escalier !

La confiance dans les amis a même disparu. Mada-