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succombe enfin à la séduction et à la fallacieuse espérance d’un meilleur sort.

Une nuit, mon neveu rentre chez lui ; ses enfants sont seuls. — Et ma femme ? et ses vêtements ? — Il court chez son ami. — Il n’est pas à Madrid ? Cieux ! Quel rayon de lumière ! Serait-ce possible ? Il vole à la police, il s’informe. Une jeune femme de tel et tel signalement, est montée dans la diligence de Cadix avec un prétendu frère.

Mon neveu réunit ses quelques meubles, les vend, prend place dans la première voiture, et le voilà poursuivant les fugitifs. Mais ils ont beaucoup d’avance sur lui, il ne peut les atteindre avant Cadix. Il arrive, c’est dix heures du soir, il court à l’hôtel qu’on lui indique, il questionne, monte précipitamment l’escalier, on lui désigne une chambre fermée en dedans ; il frappe ; la voix qui lui répond n’est que trop connue, elle résonne dans son cœur ; il redouble ses coups ; une personne presque nue lui ouvre. Auguste n’est plus un homme, c’est un foudre qui tombe dans l’appartement ; un cri aigu lui dit qu’il a été reconnu ; il place un des deux pistolets dont il s’est pourvu sur le sein de son ami, et le séducteur tombe à la renverse dans son sang ; il poursuit sa misérable épouse, mais une fenêtre voisine s’ouvre, et l’adultère, éblouie par la terreur et le remords, s’élance sans réfléchir, d’une hauteur de plus de soixante pieds. Un cri d’agonie annonce à l’époux sa dernière disgrâce et l’accomplissement de sa vengeance ; il sort à la hâte du théâtre de son crime, s’enferme, avant d’être surpris, dans son logis, saisit fiévreusement la plume et prend à peine le temps d’écrire à sa mère la lettre suivante :

« Ma mère, dans une demi-heure je n’existerai plus ;