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félicité égale à celle dont ces bons fils jouirent tant que durèrent les pièces blanches de l’ami.

Mais, ô douleur ! un mois passa et Angélique ne savait que caresser son Médor, lui chanter une ariette, aller au théâtre et danser une mazurka, et Médor ne savait que quereller. Cela cependant n’alimente pas l’amour, et il était indispensable de chercher des ressources.

Mon neveu sortait le matin pour chercher de l’argent, chose plus difficile à rencontrer que cela ne semble ; et la honte de ne pouvoir rentrer chez lui avec de quoi donner à manger à sa moitié le retenait jusqu’à la nuit. Jetons un voile sur les horribles scènes d’une position aussi amère. Tandis qu’Auguste passe la journée loin d’elle à souffrir des humiliations, la malheureuse épouse gémit, luttant entre la jalousie et le regret. Ils s’aiment encore, mais dans une maison où il n’y a pas de pain, tout est sujet de dispute ; les plus innocentes expressions équivalent, dans le langage de la mauvaise humeur, à des injures mortelles ; l’amour-propre offensé est le plus sûr antidote de l’amour ; les mauvais traitements achèvent d’éteindre un reste de leur ancienne flamme qui, quoique amortie, brûlait encore dans leurs deux cœurs ; les reproches se succèdent les uns aux autres ; le malheureux Auguste insulte la femme qui lui a sacrifié sa famille et sa destinée, en lui jetant à la face, cette propre désobéissance à laquelle il l’a conduite tout récemment encore ; après les criminels reproches vient enfin la haine.

Oh ! si le mal s’était arrêté là ! Mais un reste d’honneur mal entendu, qui subsiste dans le cœur de mon neveu et qui l’empêche de se prêter, pour soutenir sa famille, à des occupations grossières, ne l’empêche pas de s’adonner au jeu, ainsi qu’à toutes les bassesses