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SE MARIER TÔT ET MAL.

De même que j’ai ce neveu dont j’ai parlé dans mon article intitulé Engagements et Dégagements, de même j’en avais un autre, il n’y a pas longtemps, car quand on a eu des frères et sœurs, on a plus tard des neveux. Celui-ci était le fils d’une de mes sœurs, laquelle avait reçu cette éducation qui se donnait en Espagne, il y a moins d’un siècle, et qui consistait à réciter quotidiennement chez soi le rosaire, à lire la Vie des Saints, à entendre la messe tous les jours, à travailler jusqu’à dix heures, à étrenner un vêtement le dimanche des Rameaux, à tenir toujours compagnie au seigneur père, qui alors s’appelait papa, à lui baiser la main plus qu’une vieille relique, à parcourir les cours de la maison, à veiller à ce que les petites filles, par l’entremise de leurs petits maris, n’aient pas entre les mains quelqu’un des livres défendus, et moins encore quelqu’un de ces contes qui, comme on avait l’habitude de dire, sous prétexte d’enseigner la vertu, montraient le vice tout nu. Nous ne dirons pas que cette éducation fût meilleure ni pire que celle d’aujourd’hui, nous savons seulement que les Français vinrent, et que, comme cette bonne éducation ne s’appuyait pas, chez ma sœur, sur des principes certains, mais bien sur la routine et sur l’oppression domestique de ces terribles pères du siècle passé, elle n’eut pas besoin de très-longs rapports avec quelques officiers de la garde