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assertion est fausse, ou s’il établit une idée absurde, nous estimons qu’il n’y a Horace ni Aristote capable d’excuser sa balourdise. Ajoutons à cela qu’on a régulièrement l’habitude de torturer le sens des auteurs passés pour accommoder leur texte à son idée, parfois en des matières dont la docte antiquité n’a pas même soupçonné l’existence possible.

La vérité est que le vulgaire, qui ignore la langue dans laquelle se fait la citation, reste ordinairement ébloui. Telle est l’origine des bravos et des trépignements qui remplissent le théâtre toutes les fois qu’un auteur, connaisseur du cœur humain, introduit dans son drame un ou plusieurs latinismes, un ou plusieurs mots techniques ou scientifiques que peu de gens entendent ; ce qui fait que chacun s’empresse de rire pour que le voisin n’ait pas l’idée que l’à-propos du mot, en tout ou partie, lui ait échappé. Telle est la condition de notre puérile vanité. Il arrive aussi qu’on lit avec mépris ou indifférence un auteur moderne ; et qu’on ne commence à faire cas de lui que du moment où on le voit citer l’autorité d’un antique, comme si ceux avec lesquels on est journellement en relation n’étaient pas capables de distinguer si quelque ouvrage vaut la peine d’être lu ; il est, en effet, avéré qu’il n’y a rien de tel pour être tenu en considération, comme de mourir, ce à quoi s’ajoute que le vulgaire ignore combien il est facile de rencontrer aujourd’hui des textes sur n’importe quel sujet, et qu’il est plus ardu d’avoir une grande science que de l’afficher. Tout cela est la vérité, et c’est tout ce que nous rencontrons à l’appui des citations et des épigraphes, mais l’homme véritablement supérieur dédaigne ces banalités.

Pour nous, qui ne sommes ni des hommes supé-