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MANIE DE CITATIONS ET D’ÉPIGRAPHES.

Nous connaissons des gens pour qui ce serait chose impossible que de commencer un écrit quelconque sans le faire précéder d’une épigraphe qui, à la manière d’un pionnier, lui aplanisse le chemin, et sans le parsemer ensuite tout entier de citations latines et françaises, lesquelles étant d’ordinaire en écriture bâtarde, ont le triple avantage de rendre très-varié l’aspect de l’impression, de manifester que l’auteur sait le latin, chose rare en ces temps-ci, où tout le monde l’apprend, et de prouver qu’il a lu les auteurs français, mérite particulier, à une époque où il n’y a pas d’Espagnol qui ne donnerait toute sa langue pour une couple de monosyllabes par delà les Pyrénées. Nous, grands sots que nous sommes, nous ne savons à quoi mènent les épigraphes, et nous voudrions qu’on nous les expliquât, car jusqu’à ce qu’il en sait ainsi, nous croirons que le pédantisme a toujours été, chez toutes les nations, le précurseur des époques de décadence des lettres. La vérité est que nous sommes fort certains de ce que notre littérature ne puisse pas dépérir ; c’est, en réalité, une hypothèse aussi impossible que celle de tomber pour un objet à terre ; mais à cause de cela même, nous voudrions ne pas tenir les symptômes d’une infirmité, dont le seul et véritable antidote est entre nos mains.

Si l’auteur qui écrit dit une vérité et établit une idée lumineuse, nous ne savons quelle valeur en plus ont, à lui donner, réunis pour le soutenir, les quelques savants que le monde a produits, et si son