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discorde d’Agramant[1], si n’était apparue au milieu de la confusion la divine Astrée, si bien déguisée sous la figure de l’alcade, que le diable lui-même ne l’aurait pas reconnue ; avec la moitié d’un pin en guise de balance, et sans bandeau, car on sait que celui qui ne voit point les yeux ouverts, n’a pas besoin de se les couvrir pour ne pas voir, et tous promirent de se soumettre à sa décision. Les parties argumentèrent, notre rustique Laïn Calvus les écouta tous les deux, que ce fut un miracle qu’il se fatiguât à les entendre avant de prononcer sa sentence (quoique certains assurent l’avoir vu dormir pendant les débats), et dit, pour conclusion, d’une voix de stentor : « Messieurs, par la baguette que je tiens à la main, il montrait en disant cela cette moitié de pin dont nous avons parlé ; je ne puis trop attester, être complètement informé, et quoiqu’il me soit pénible de le dire, je condamne les deux cousins à une amende pour mes besoins, c’est-à-dire pour les besoins de la justice, qui est moi, pour avoir ôté l’action à l’animal ; et j’entends qu’à l’avenir personne ne soit assez osé pour aider dans une affaire de ce genre, aucun jeune garçon, au moins jusqu’après le premier assaut, car le premier coup est du droit du taureau et personne ne peut le lui ôter. Dieu soit avec vous » Après une telle décision la foule dut demeurer tranquille, et vous convaincu.

M’avez-vous compris, monsieur le Bachelier ? Je vous le demande, parce que si à cette heure vous ne m’avez pas compris, il est inutile de me faire d’autres questions, jamais vous ne me comprendriez.

Ainsi donc, gare au premier assaut, et attention au second ; et désabusez-vous ; si, dans les Batuèques,

  1. Roland furieux, chant XXVII.