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équivoque : la corne recourbée de l’un accrocha la ceinture de l’autre, et on ne sait quelles auraient été les vicissitudes du fanfaron, si n’étaient accourus à son secours deux siens cousins, mus de cet instinct qui nous pousse tous à prêter aide à nos pareils en démêlé avec des bêtes à cornes. Ils le tirèrent de là en effet. Mais comme il est avéré qu’un taureau ne vaut rien quand il ne fait pas des siennes, on vit sur-le-champ un parti contraire à notre fier-à-bras, se mutiner, criant qu’il ne fallait pas pour cela tricher le taureau, qu’un mauvais toréador devait payer sa maladresse, qu’il n’était pas de franc jeu de venir se mettre entre deux adversaires défendant chacun leur peau, que le fait de soutenir l’homme avait été une perfidie envers le taureau ; on ajoute même que l’un des plus érudits, probablement le neveu du curé, traita le fait de trahison semblable à celle de Bertrand Claquin, comme l’appelle notre Mariana[1], lorsque, de vaincu devenu vainqueur, il dit à Montiel, je ne fais ni ne défais les rois. Quoi qu’il en fût, le tumulte s’accrut, les voix grossirent, les bâtons se levèrent et on ne sait où se serait arrêtée cette nouvelle

  1. Savant jésuite et historien espagnol du xvie siècle.

    Du Guesclin, lorsque Pierre-le-Cruel, était enfermé dans Montiel disait à Henry de Transtamarre : « Se il veult venir à mercy, ie vous conseille que vous le recevez, et lui donnes duchié dont il puisse vivre. Car encore pourrez-vous estre bons amis ensemble. » Cette chose faisait Henry bien ennuiz. (Histoire de messire Bertrand du Guesclin, par Me Claude Ménard, chap. XL, 1, vol. in-8o, Paris 1618.)

    Ce grand capitaine dont on sait nombre de beaux traits, avait sans doute l’humeur un peu changeante car quoique temps après lorsqu’Henry de Transtamarre et Pierre-le-Cruel en étaient aux mains, il disait au bastard d’Anysse : « Allez aider le roi Henry… Prenez-le-par la jambe et le montez dessus. » (Do, chap. XLI.)