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mesquins, pourquoi n’élevez-vous pas la voix ? — N’ayez jamais affaire à la gent du théâtre. Cervantes l’a dit. Il ne leur manque jamais quelque champion pour défendre sa cause, champion formidable. En outre, c’est un clavier dont on voit seulement le dehors, jamais on ne sait qui le touche ; derrière la scène et ces figurines de carton de Gaïferos et des Maures, il y a pour les mouvoir Ginès de Passamont, sous l’emplâtre de maître Pierre : Aïe ! ne prenez pas la défense de l’infortunée Mélisandre, ne mettez pas en déroute ses persécuteurs, car si le singe s’enfuit par le toit, si vous rompez l’illusion, si vous cassez les marionnettes, vous paierez le dégât. C’est enfin matière sacrée, et que nul n’y touche, s’il n’est à même d’avoir Roland pour l’assister[1]. — Mais, monsieur, jamais on n’a jamais pendu personne pour avoir dit qu’un tel est mauvais comédien. — Cela s’est fait, monsieur le Bachelier, et cela se fera, il vaut mieux se taire. — On réclame, on appelle… — Monsieur Munguia, je vais vous raconter une courte histoire, c’est un cas arrivé il y a quelques mois dans un petit bourg des Batuèques.

« Un jour on courait les taureaux, et contre la coutume établie dans ces contrées de ne laisser sortir la bête qu’attachée, tout comme on devrait le faire pour beaucoup d’animaux à cornes de ma connaissance, afin qu’ils ne fassent pas de dégât dans leur course à travers le monde ; on avait pris la détermination de le laisser en liberté par les rues. Les jeunes garçons l’excitaient allègrement, mais il arriva que l’un d’eux plus rodomont que ses compagnons, au lieu d’attaquer l’animal, se laissa attaquer par lui, notable

  1. Pour tout ce passage, voir Don Quichotte, 2e partie, chap. XV.