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que éclat sur les Batuèques ; le plan est colossal, l’idée magnifique, la conception étonnante, mais il y a un défaut, un défaut colossal aussi ; je me hâte : je le ferai connaître, je le ferai disparaître. « — Don Timothée, voici un article pour vous, insérez-le moi dans vos mélanges. — Ah ! ceci ? Impossible. — Impossible ! » Et il m’ajoute à l’oreille : « Vous ne savez pas que l’architecte auteur du plan s’appelle D.Y.Z. — Il peut bien s’appeler ainsi, cet architecte, et le défaut se corriger. — Mais il est parent de M… — Ne peut-il pas continuer d’être son parent après la disparition du défaut ? — Certainement ; vous ne me comprenez pas ; c’est un ennemi dangereux, et je ne me hasarderai point à faire cette insertion. »

Ô chapitre inépuisable des considérations ! De quelque côté que nous voulions aller, nous rencontrons une muraille ! Que d’éloges mérite cette noble circonspection, ce respect aux personnages puissants chez les Batuèques !

Je me rencontre avec un écrivain en vogue. « Monsieur le Bachelier, que vous semblent mes écrits ? — Il me semble, parbleu, qu’il n’y a pas de quoi en parler, ils ne contiennent rien. — Vous avez toujours à dire des choses !… — Et vous n’en avez jamais à dire, vous. Que ne fulminez-vous l’anathème de la critique sur certaines œuvres qui nous inondent ? — Aïe, ami, les auteurs ont découvert le grand secret pour qu’on ne critique pas leurs œuvres. On fagote un livre. Sont-ce des nullités ? N’importe. Pourquoi sont faites les dédicaces ? On cherche un nom illustre, on le met en tête de son volume, au premier on dédie le second, et quoique personne ne sache ce que signifie de dédier un livre fait par un tel à un autre n’ayant rien de commun avec ledit livre, c’est un talisman à l’aide duquel