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PHILOLOGIE.

Étant établi que nous péchons par la langue, et que nous devons tous en mourir, ce ne sera pas beaucoup que nous dédiions à ce côté de la littérature quelques-uns de nos travaux.

On peut facilement apercevoir que la langue est pour un causeur, ce que le fusil est pour un soldat ; c’est avec elle qu’il se défend et qu’il attaque. Tenons donc à l’avance nos armes dans le meilleur état possible, et donnons-leur à cette fin un léger astiquage de temps en temps.

Dissertons donc aujourd’hui, pour les amateurs, sur une couple de points de vue.

Que nous disent ces mots, quand nous les voyons imprimés : « L’ambassadeur ou ministre auprès de[1] telle cour, » etc.

Est-ce à dire qu’il tourne autour de cette cour, sans pouvoir jamais y entrer, comme erraient les âmes des païens, dont les obsèques n’avaient pas été célébrées, autour de la barque du vieux Caron ? Ou les pauvres messieurs souffrent-ils le tourment de la poulie, qui, comme le lecteur le sait mieux que nous, consiste à pendre le patient par les bras, de sorte que quand il s’étire la pointe de ses pieds touche à terre, mais sans qu’il puisse jamais les y appuyer pour se reposer, absolument de la même façon que celle dont la susceptible Maritorne, laissa l’hidalgo de la Manche, sus-

  1. Le texte espagnol dit cerca, qui peut se traduire soit par auprès, soit par autour.