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ches sans nombre qui font ressembler la nuit au jour, nous éclaire des fenêtres et des balcons. Et l’allégresse publique n’est rien, la solennité n’est pas magnifique et complète si le poète n’apporte pas son contingent au bruit. Que la galerie foudroie l’orchestre des louanges du misérable poète en papier bleu et rouge ; comme pleuvent d’habitude les images des saints à la fin du carême, en scapulaires que les enfants s’arrachent à poignées ! Ne t’excuse pas, André, ne l’essaie pas, ne vire pas de bord pour fuir l’abordage ; toutes tes raisons ne prévaudront pas ; car il y en aura de tout prêts pour te bafouer dans l’opinion, si tu ne fais pas du soir au matin une hymne pour le moins, ou une louange.

Que le mont Pyrénée surgisse avec une figure humaine ; l’Espagne aussi ; que vienne en tiers dans ce dialogue la ville de Madrid[1] couronnée, que l’Olympe éblouissant apparaisse, que Mercure, Jupiter, Minerve, prennent la parole, chose qui ne s’est jamais vue ; et toute la suite du cortège allégorique usité, plutôt que d’être tous ennuyés de cette engeance idolâtre et persistante.

Mais écoute, car déjà bourdonne dans mes oreilles le bruit de milliers de vers que les salves du canon accompagnent. Le bronze résonne sur les immenses mers, commencera le poète de circonstance, et le Manzanarès lève son front. Peut-être parmi des métaphores plus rouillées, salut ou santé, continuera-t-

    corporation illustre qui sait le fêter dignement, quand l’occasion s’en présente ! Haine éternelle aux mauvais vers qui viennent ternir de si justes sentiments !

  1. Le texte dit : La villa Mantuana. Madrid porta en effet primitivement le nom de Mantua.