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cher de consolation chez ses amis ; il viendra me demander un chant funèbre, parce qu’il aura perdu sa chaste épouse. L’infortuné fond en larmes. « Hélas ! elle qui fut si bonne, si vertueuse ! » Tartufe ! laisse un poison si nuisible enfermé sous la pierre inclémente ; allons, enterre-la vite, qu’elle ne revive plus, et que le mari se repose du tracas. Mais si pourtant il l’a aimée quand elle vivait, qu’il se taise, et pleure en silence sa détresse, une larme contenue en dit plus que le froid poème d’un indifférent.

Me faut-il faire des vers à tout le monde ? Eh quoi ! ma muse devra-t-elle être prête à toute heure, et préparée à tout comme cire ?

Mais laissons cela, car déjà retentissent sonores les cloches et les canons. Est-ce, d’aventure, fête publique ? Bien ! Que les lyres harmonieuses s’accordent, car le temps est favorable. Qu’il y ait des vers dans les prochaines manifestations. Que le poète accouple avec empressement ses rimes[1]. Déjà la splendeur de tor-

  1. Rien n’est plus juste ni plus plausible qu’une solennité félicitant et fêtant dignement le monarque, au nom de la population reconnaissante dont elle représente les suffrages ; rien plus louable qu’un poète faisant dignement vibrer sa lyre en l’honneur de son souverain ; mais rien plus impertinent non plus que le croassement tumultueux de mille oiseaux importuns assez hardis pour apporter la perturbation dans le contentement public, avec leurs cris discords. On ne doit rendre à un souverain que des hommages dignes de sa majesté. Ainsi donc notre satire a pour seul objet : Les mauvais vers de circonstance. Qui voudra y voir autre chose, ira plus loin que notre idée : l’armurier fait l’épée pour la défense des droits de la société, l’assassin la convertit en danger pour cette même société. Le mal n’en est ni à l’artisan, ni à l’épée, mais bien à l’assassin. De même la malice ne sera jamais notre fait, mais celui du malicieux. Celui qui veut tourner au mal certaines choses, serait capable d’envenimer l’air que nous respirons. Gloire, donc, au souverain ! Gloire à la