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effet qui me cherche, je connais, de longue date, sa manière d’agir. Pas moyen d’éviter sa rencontre et ses questions. Qu’il m’aide à sortir d’un si mauvais pas, et nous le planterons là, si cela nous convient. — « Don Juan ! — Don Blas ! — Je vous cherche. — Oui ? — J’ai à vous demander un sonnet. » André, qu’ai-je dit ? « Je ne vous en tiens quitte à aucun égard : avant d’être poète, vous êtes mon ami. — Qu’est-il donc arrivé, don Blas ? quel obstacle à vaincre, quel fier ennemi a dompté votre grande colère ? Avez-vous trouvé une autre Amérique pour l’Espagne ? Quels biens vaut à la patrie votre insigne valeur, ou votre courage ? — Quelle patrie ? Quelle valeur ? À quoi mène cette énumération si minutieuse de votre part ? Ma joie vient d’une plus grande cause. Un enfant m’est né. Personne ne vous l’a-t-il dit ? — Jésus ! qu’il soit en bonne santé ! Je vous jure, frère, que le cas est singulier ! A-t-on vu chose pareille ? Un fils ? Dieu vous le fasse, don Blas, très-bon chrétien. — Vous partez ? — Je suis pressé. — Écoutez ! Je reste fâché, don Juan. — Don Blas, je vous baise les mains. — » Je jure Dieu que le cas est rare ! L’as-tu entendu, André ? Ne veut-il pas, l’ennuyeux, que je chante grâces pour son petit ? Voilà ce qu’à chaque pas rencontre le pauvre poète plutôt qu’une fortune où une bourse pleine d’argent.

Un autre plus insensé nous demande des vers, parce qu’il se marie. Plaisante folie ! Une mauvaise femme le tourmentera et le maltraitera ! et il vient chercher des vers ! Qu’il cherche la patience. C’est, en effet, ce dont il a besoin, l’ignorant, pour s’engager dans une si dure pénitence.

Puis un autre qui s’avancera par ces sentiers, enveloppé dans un manteau noir, solitaire, n’ira pas cher-