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SATIRE
CONTRE LES MAUVAIS VERS DE CIRCONSTANCE[1].

… Le cœur tout à fait noble et bien pensant
À courber la tête au malheur consent
Plutôt qu’un genou devant le puissant.

(Rioja.)

Il n’est de chose, André, comme de naître poète, il n’est de coup qui n’attaque le nourrisson des neufs sœurs, il n’est de mal étranger à l’infortuné.

Croiras-tu que fuyant de la tourbe perfide des sots, sans fin, toujours j’ai cherché dans le monde un coin obscur et étroit où me cacher à leur écart ? Et présumeras-tu qu’en vain je le prétends depuis que la raison m’a donné sa lumière ? Partout où je vais, ils vont à ma suite ; ils s’emparent de moi, comme le lierre de l’arbre dont la vie soutient la sienne. Ils me naissent entre les pieds, comme croît entre les ceps la grappe ; tellement, qu’ici chaque pierre produit un sot. Rien ne me sert de courir, car leur pas croît aussi en même temps que le mien, rien non plus de me couvrir les yeux de mon manteau, quoique je le fasse assez pour ne pas voir mon chemin. Ils me voient et crient après moi sans repos.

N’est-ce pas le fat don Blas, celui qui allonge le pas là-bas avec tant de joie ? Malheur à qui tombe sous sa main infernale ! C’est lui, mon André ? Je le vois en

  1. Voir la note page 16.