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manières galantes. « Senora ! — Vous m’avez envoyé cette feuille ? — Je suis sans un maravédi ; mon ami ne vous connaît pas… c’est un homme ordinaire… et comme nous avons donné déjà plus que ne valent les parures que vous avez ici… — Mais ne savez-vous pas que j’ai distribué mes invitations pour le bal de cette nuit ? Il me faut le donner, ou je meurs de dépit… — Moi, senora… — Il me faut absolument mille réaux, et de plus retirer, du moins jusqu’à demain, mon diadème de perles et mes bracelets pour cette nuit : on apportera en échange ma vaisselle d’argent et tout ce que j’ai chez moi. Je dois trois nuits aux musiciens, ce matin ils m’ont dit que décidément ils ne joueront plus si je ne les paie pas. Le Catalan m’a envoyé le compte de ses bougies, et ne veut plus m’en fournir avant d’être satisfait. — Si j’étais seul… — Nous brouillerons-nous ? Ne savez-vous pas tout ce que cette nuit le jeu seul peut produire ?… L’autre nuit nous fut si mauvaise ! Voulez-vous d’autres billets ? On ne m’en a laissé que six. Envoyez chez moi pour les effets que j’ai dits. — Je sais bien… quant à moi… mais ici on peut nous entendre ; entrez dans ce cabinet. » Ils entrèrent et la porte se referma sur eux.

Cette scène fut suivie de celle d’un joueur malheureux qui avait perdu le dernier maravédi, ayant besoin de se munir pour retourner jouer ; il laissa une montre, reçut dix, reconnut quinze, et disparut en disant : « Le cœur me bat ; je vais gagner vingt onces[1] et je reviens pour ma montre. » Un autre joueur heureux vint retirer quelques bagues du temps de sa prospérité : un employé toucher un mois d’avance sur sa solde,

  1. L’once est de quatre-vingts francs.