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venait d’arriver de Paris, il voulait la faire nettoyer et comme il ne connaissait aucun horloger à Madrid, je lui promis de la confier au mien. — Poursuis. — Mais mon sort en disposa autrement ; j’avais alors une affaire d’honneur ; nous nous étions décidés, la petite baronne et moi, à aller passer un jour ensemble à Chaumartin ; il était impossible de nous servir de sa voiture, elle était trop connue… — Après ? — Il était indispensable pourtant d’avoir une voiture, de retenir un local et de commander un repas champêtre… À cette époque je me trouvais sans un cuarto[1] ; mon honneur devait passer avant tout, en outre on ne trouve pas toujours des occasions… — Poursuis. — J’engageai la montre de mon ami. — Parole ? — Vrai. — Bien imaginé ! Et à présent ? — Ayant vu le marquis aujourd’hui, je lui ai dit que je la lui gardais chez moi, toute arrangée. — C’est cela. — Vous le voyez, oncle… cela pourrait amener un démêlé fort désagréable. — Combien est-ce ? — Cent douros[2]. — Seulement ? ce n’est pas beaucoup. »

Il était clair que la vie de mon neveu et son honneur se trouvaient dans un éminent péril. Que pouvait faire un oncle si tendre, aimant tant son neveu, si riche et sans enfants ? Je comptai donc ses cent douros, c’est-à-dire les miens. « Neveu, allons à la maison où la montre est engagée. — Quand il vous plaira, cher oncle[3]. »

Nous arrivons à un café, sorte de comptoir d’affaires pour ainsi dire, et je commençai à soupçonner dès lors que cette aventure pourrait me fournir un article

  1. Pièce de deux liards.
  2. Cinq cents francs.
  3. Ces mots sont en français dans le texte.