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même des bons quand il y en eut, mais encore il en sera de même quand il y en aura ; ici les esprits pauvres ne s’enrichissent pas par la lecture des savants riches ; ici la seule vanité qu’on soit fondé à avoir est celle qu’on porte toujours dans l’estomac, car, pour ne point faire d’orgueilleux, on ne prodigue pas plus les éloges que les vivres. Ô idée chrétienne ! Ici personne ne prospère par les lettres ; les livres et les journaux ne sont pas en bataille continuelle ; ici les bonnes comédies ne sont représentées que de loin en loin, la seule raison en est la rareté ; les mauvaises ne sont ni sifflées ni payées, de crainte qu’on arrive à en faire de bonnes tous les jours. Ici nous savons vivre, nous aimons tant à exercer l’hospitalité que nous jetons le contenu de nos bourses aux étrangers. Ô désintéressement ! Ici on fait un mauvais parti aux acteurs médiocres, et un pire aux passables, pour ne pas les enorgueillir ; ô amour d’humilité ! On ne les paie même pas, ils mangent trop ; ô charité ! Et en même temps, on veut qu’ils s’améliorent ; ô indulgence ! Ici enfin, écrire n’est pas une profession, lire n’est pas une occupation, ceci et cela sont passe-temps de gente légère et mal élevée. On ne

    se manifeste notre intention, de coopérer à son idée bienveillante elle-même, et de lui apporter notre faible concours. Mais comment redresser en un jour le vice de tant d’années et de tant de siècles ? Comment serait-il donné à la pénétration et à la force du meilleur gouvernement de rompre tout d’un coup, de faire disparaître complètement autant d’obstacles qu’en opposent l’éducation négligée, les idées viciées, un nombre infini enfin de circonstances auxquelles nous ne pouvons rien et qui aggravent notre mal ? Tant de maux nécessiteront sans doute de longs remèdes. Espérons que quelque jour nous verrons triompher ses efforts et coopérons-y, en attendant, de tout notre pouvoir. (Note de l’Auteur.)