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nous avons pour les livres, sentiments regorgeant de tant d’honneur, de tant de profit, de tant de repos surtout pour la patrie.

« Cela ne vous fait-il pas pitié, me disait un autre Batuèque ces jours derniers, de voir la confusion de papiers se croisant et se heurtant de tous côtés dans ces pays qu’on nomme civilisés ? Dieu m’aide ! quel flux de mots, quel chaos de paroles, quelle plaie de feuilles, quel tourbillon de livres ! Mon entendement ne conçoit pas comment il peut y avoir des plumes pour les écrire, des chiffres pour les compter, des ateliers pour les imprimer, des patients pour les lire ! Et avec tout cela quantité d’hommes ont à subsister sans autre emploi ni salaire que ceux de littérateurs ? Qu’ils aillent au diable avec leurs sciences, leurs arts, leurs progrès et leurs découvertes ! Ô siècle loquace et linguiste ! Voyez quelle mine ils ont trouvée ! »

Que d’avantages, André, nous avons en cela sur les autres. Ici une mort misérable attend les mauvais auteurs, je dis les mauvais, parce qu’il n’y en a pas de bons[1], et qui plus est, non-seulement il en fut de

  1. Nous ne comprenons pas dans ces aperçus généraux tel ou tel jeune homme studieux, tel ou tel poète original, tel ou tel talent remarquable, qui s’efforcent de sortir du commun opprobre dont nous sommes enveloppés, secouant le joug de rabattement général et brillant comme un ver-luisant perdu dans les ténèbres d’une nuit obscure. Que prouvent ces rares exceptions ? Quelle que soit la considération que leur vaille leur conduite, quelles que soient les louanges qu’ils méritent, leur nombre est trop restreint pour détruire la vérité générale qui s’empare de nous peu à peu et nous accable.

    Nous n’avons pas non plus la pensée d’oublier dans nos écrits la gratitude et les éloges auxquels a droit de notre part le gouvernement éclairé qui nous régit et donne tant d’impulsion aux progrès de la prospérité et de l’illustration ; clairement plus tôt