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bigarrées, cet être enveloppé d’ornements, si charmant, si bien vêtu, si bien façonné, est-ce quelqu’un, dis, qui nous vient du pays de Confucius ? C’est un homme ; il met un an à se coiffer devant son miroir, sa petite personne a pour protecteur, s’il faut en croire le bruit public, André, un… mais, chut ! Fuis avec moi, André, allons plus loin ; que le Cocyte emporte tant de crime.

Qu’avons-nous à faire ici, nous qui ne connaissons pas la fraude, la flatterie, le mensonge, et qui avons l’orgueil de ne rien aduler ? Je ne sais pas pour l’adulation faire vibrer ma lyre, je n’ai jamais pu souffrir d’humiliations, la voix alors expire sur mes lèvres. Quel sort aurais-je ici avec mes rengaines, moi qui jamais n’ai adressé à personne la fumée de l’encens, et n’en répands pas dans mes esquisses ? Moi qui n’ai ni la faconde opportune d’Inarcus, ni sa verve pour la scène, ni l’oreille injuste et populaire de quelqu’un ? Que je fasse une comédie bonne ou mauvaise, si je n’entends rien aux intrigues du théâtre, quand mon produit verra-t-il le jour en public ? Si je n’ai pas là-dedans une paire d’amies, si je ne flatte pas le galant qui les paie, mes pièces n’auront que des ennemis. Irai-je louer un sot capable de s’attribuer une averse d’applaudissements non mérités, quoique son rôle le rabaisse et le déprécie ? Ou me faudra-t-il souffrir, enfin, que ma pièce, si elle réussit, enrichisse le théâtre seul, et me contenter de mille réaux[1] ? Non pas, sur ma vie. Suis-je un mendiant peut-être, ou d’aventure un marchand de chansons des carrefours, vêtu de haillons ? Et c’est là ce que doit me produire l’encensoir ? C’est là ce que je retirerai de m’être brûlé les

  1. Deux cent cinquante francs.