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Honneur, que sans vanité peu puissent en dire autant, et que personne, je crois, ne soit de force à nier que pour cela il faille avoir un goût prononcé pour la lecture.

Ce en quoi il a raison, est de dire que les poètes doivent s’inquiéter non pas de leurs moyens d’existence, mais seulement de leur gloire ; j’en suis sûr, il ne cherche que la gloire, lui, cela se voit de reste dans ce fait de nous régaler de sa brochure moyennant deux réaux l’exemplaire, ce qui, vu son mérite, équivaut à dire pour rien ; de plus, si d’un côté la gloire est pour Votre Honneur une sorte de pain, d’un autre, il ne doit pas, j’en ai la conviction, avoir besoin de beaucoup de plats avec celui que lui a valu sa brochure ; j’imagine qu’il met quelques jours à la digérer, et conseille cet aliment tonique aux estomacs faibles. Il n’est pas juste non plus que le poète se voie représenté, et quand à être payé pour sa pièce, sottise ! Comme on voit bien que don Clément Diaz n’a fait aucune comédie ! Non qu’il ne l’ait pu, mais pour ne pas s’encrasser les mains au contact des sales pièces d’argent qu’amasse d’ordinaire le poète. Donc, puisque don Clément Diaz ne récolte que des lauriers, quelle quantité de lauriers environ Votre Honneur est-il parvenu à ranger dans sa maison ? Soyons sérieux, don Clément Diaz, consentez avec moi à mettre le laurier à un prix modéré, nous en tirerons peut-être profit, qui sait ?

J’ai entendu de mauvais amis de votre brochure considérer comme un grand dommage qu’elle n’ait pas plus d’à-propos ; cela lui manque, disaient-ils, pour nous divertir tous, et Votre Honneur tout le premier.

Ne faites aucun cas de ces bavardages, si l’on s’arrêtait à écouter tout ce qu’on dit, il n’y aurait plus