Page:Larra - Le Pauvre Petit Causeur, trad. Mars, 1870.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il fit donc son ode, et dans la description d’une mauvaise nuit, termina une strophe par ces deux vers, l’un tronqué, l’autre aussi entier qu’un bélier :

Si fort était le vent,
Que s’éteignaient les torches de ceux qui par très-pure dévotion marchaient éclairant le Très-Saint-Sacrement.

Assurément si Votre Honneur tenait à placer le mot vendait pour des raisons particulières ignorées de moi, mais non de lui sans doute, avoir parlé de voiles sur la mer du frivole, qui n’est sur aucune carte, faute aux géographes, Votre Honneur, lui, sait bien où elle est, avoir parlé de voiles, dis-je, n’était pas un motif pour passer des heures entières à chercher une rime en oiles capable de lui faire dire autre chose que ce qu’il voulait dire ; la vérité passe avant la rime, il vaut mieux être franc que poète, et cela nous ramène aux vertus de l’homme de bien : Votre Honneur sait déjà, seigneur don Clément, que pour gagner le ciel il n’est pas nécessaire d’avoir le tympan très-subtil. Qui sait si Votre Honneur ne trouve pas le même son à voiles et à vendait comme sous la loi du jeu de gages, et parce que ces deux mots commencent tous les deux par un v ?

C’est grand dommage que n’habite pas au-dessus de votre chambre quelque poète avec lequel vous pussiez en user comme Pierre Corneille avec son frère Thomas : Pierre avait fait faire, Votre Honneur ne le savait pas sans doute, une trappe à son plafond, seulement pour, dans les cas de rime difficile, savoir l’avis de son frère qui demeurait au-dessus de lui. Dites-moi, Votre Honneur, la vérité, comme si personne ne vous entendait.

Votre Honneur comprend-il la rime à l’envers, croit-il que les mots peuvent rimer