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celle du sens aussi sec qu’août[1] de mon ami (est-ce une allusion à son mariage en août), cette autre de laisser aller son esprit à bride flottante, cette autre encore si retournée, entortillée, si pleine de coins et de recoins qui dit que le Bachelier exprime « le court suc de son génie pour le répandre en fumée de sottises afin de gagner un prix de fumée. » Voilà, voilà celle qui doit lui avoir coûté le plus de nuits d’insomnie, le plus de jours d’absorption ; et enfin celle des « timbres de la noblesse qui de la gloire dans la maison habite et élève sur le temps sa tête » ; et celle très-jolie de ce fanfaron de petit ruisseau qui a un arrogant style (dire ces choses est l’unique et sûre manière de ne ressembler à aucun autre bon auteur). Voilà ce qui s’appelle avoir de la grâce, du naturel, savoir faire rire ; et cette courte appréciation, veut-on savoir comment la mériter ? Don Clément fait ceci : dans ses moments perdus il récolte des phrases par ci par là, les brouille, puis juge de l’effet produit ; si elles représentent des idées n’ayant entre elles aucun rapport, c’est bien ; dans le cas contraire tout le piquant du jeu serait perdu.

Don Clément Diaz sait faire des vers rimés[2] sans rime, résultat auquel n’est arrivé, ni même n’a essayé d’arriver aucun poète de renom ou sans renom, comme

  1. Agostado juicio : jugement d’août, c’est-à-dire jugement desséché. Clément Diaz s’était peut-être rappelé ce passage de Juvénal (sat. III, vers 9) :

    Et augusto recitantes mense poetas.

  2. Quoique la prosodie espagnole tolère des vers non rimés, il n’est pas loisible à un auteur, comme on le voit dans ce passage, d’introduire des vers sans rimes dans une pièce en vers rimés (versos aconsonantados). La pièce dont il est ici question était même en tercets, ainsi qu’on le verra plus loin.