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le talent de Votre Honneur cessera-t-il pour cela d’exister dans sa tête ou dans quelque autre partie du corps (ce point n’est pas vérifié, et je n’ignore pas non plus que chacun loge tout bonnement où il peut son talent petit ou grand) ? Dites-moi. Votre Honneur, de ce que personne n’ait pu jusqu’à présent entrevoir son dit talent, s’ensuivra-t-il qu’il ne l’ait plus ? On le voit, mon argument est sans réplique.

Je ne voudrais pas qu’à cause même de mon enthousiasme pour lui on crût mon éloge partial ; voici en effet, vive Dieu ! ce qui me chagrine : si je dis sa brochure mauvaise, si je parle mal de don Clément Diaz, on m’opposera aussitôt, non pas l’intention de dissimuler notre amitié, mais bien la transparence de celle que j’ai vouée à mon cher Bachelier ; et si je la dis bonne, on dira que je me moque de monseigneur don Clément Diaz, et pardieu ! ceux qui tiendront un tel propos mentiront et rementiront autant de fois qu’ils le tiendront, car, bien loin de me moquer de Votre Honneur, je n’ignore pas ce que vaut un don Clément Diaz dans ces temps si pauvres de bons poètes et de littérateurs profonds.

Dites-moi cependant, si Votre Honneur n’était pas venu se mettre de la partie et prendre fait et cause pour les abus et les nudités critiquées dans le Causeur, qui diantre l’aurait fait ? Les sots seraient restés forcément sans bouclier ni défense, et c’eût été grand dommage.

C’aurait été simplement me donner la tâche de prouver jusqu’à l’évidence que Votre Honneur est non-seulement un homme de lettres, possédant comme tel un fonds de littérature aussi considérable qu’il le dit, mais encore un généreux chevalier, aimant redresser les torts et laver les offenses. Qualité fort recomman-