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à tous les hommes de poids, qui font marcher côte à côte avec leur mérite la plus parfaite modestie. Voilà la cause qui a dû le tenir jusqu’à cette heure si en arrière dans le concept public. Mais n’ayez crainte, il est temps encore de remédier tant bien que mal au dommage que nous a causé la modestie en question ; la nuée sombre a crevé, où était méchamment enfermé votre mérite, qui ne peut que gagner à être bien connu, et déjà Votre Honneur apparaît, comme un astre bienfaisant, aux portes de l’Orient de la littérature.

Ma première idée, à la nouvelle toute fraîche de ce qu’un homme de lettres (je ne savais pas encore que ce dût être Votre Honneur) allait écrire contre le Bachelier, fut, disons-le, de le cribler de pamphlets et de brochures, de ne pas laisser dans ses écrits un morceau entier, un passage intact de la largeur d’une noisette, de me lancer enfin dans une entreprise égale à celle de Votre Honneur, ce qui est tout dire. Mais dès que je sus le nom du combattant, d’un homme aussi connu que don Clément Diaz, je me garderai bien, dis-je à part moi, de donner suite à un projet si insensé ; outre un respect pour lui comme s’il était le choléra-morbus lui-même, il me vint à l’esprit qu’il devait s’être fait, par le beau style de sa brochure, un nombreux parti, composé en entier des personnes offensées par le Causeur. Que d’usuriers crochus, que de chauves escrocs ne voyais-je pas déjà autour de lui, disposés à le défendre, que de libraires fripons, que d’auteurs sifflés, que de chétifs rimailleurs de circonstance, que de capitaines de huit ans et de surveillants aveugles, que de maîtresses d’intendants, que de publics de toutes les catégories, que de paresseux comme on en voit dans Revenez demain, que d’au-