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» Je lègue donc le peu qui se trouve dans ma succession, s’il s’y trouve quelque chose, à des messes pour mon âme, elles me procureront des faveurs que je ne puis emporter avec moi ; si mon fils se plaint de ce que, ce faisant, je le prive du peu qui lui resterait, qu’il prenne patience, mes goûts passent avant ses besoins, et mon âme avant son corps.

» Je déclare et confesse à l’heure de la mort et comme si déjà j’étais sa proie, ceci : j’ai peur et je meurs de peur, ce dont je n’ai honte aucune, il y a tant de choses dont bien d’autres n’ont pas honte ; au contraire, mon seul chagrin, mon grand repentir est de n’avoir pas eu peur un peu plus tôt. Ainsi soit-il ! Tout ne peut arriver en même temps !

» Item, en outre : considérant que beaucoup de personnes de ma connaissance aujourd’hui bien portantes, bien grasses, bien établies, se sont rétractées de leurs opinions ou de leurs expressions toutes les fois qu’elles ont cru cela convenable ou à propos, considérant cela, je me rétracte non-seulement de ce que j’ai dit, mais encore de tout ce que je n’ai pas dit, ce qui n’est pas peu de chose. Et cette rétractation doit être entendue sous la réserve du droit de me rétracter de nouveau quand et comment je le jugerai convenable si je vis, et ainsi et toujours jusqu’à la fin des siècles ; car telle est ma volonté, et personne n’a à se mêler des affaires des autres ; je fis toujours de mes opinions comme de mes vêtements, chaque jour j’en mis un, au sujet de quoi aucun Batuèque n’a rien à me reprocher.

» À propos de Batuèques, je déclare que les Batuèques ne sont pas si Batuèques qu’ils le paraissent ; je me repens de l’avoir dit et c’est une des premières choses dont je me rétracte, en leur sachant gré pour-