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Passons à tes longues questions et à tes interminables recommandations.

Et d’abord l’histoire d’Espagne que tu me demandes et que tu désires bonne, je ne puis te l’adresser, ne l’ayant pas trouvée.

Tu me charges de faire entrer ton petit-neveu aux écoles publiques d’histoire et de géographie dont tu supposes témérairement l’existence dans une ville comme celle-ci ; maintenant, ajoutes-tu, qu’il a le bonheur de se trouver dans la capitale du pays, il fera bien de ne pas laisser échapper cette heureuse occasion de s’instruire. Je t’en supplie outre mesure, avant de me faire de telles recommandations, tâche d’être moins léger dans tes jugements, car il n’y a pas ici, de semblables écoles ; ce qu’il y a c’est une Académie de l’histoire et une boutique de cartes géographiques dans la rue du Prince. C’est peut-être là ce dont on t’a parlé, et, paresseux comme tu l’es, tu auras tout confondu.

Je suis d’avis qu’il n’apprenne pas la sténographie, vu qu’il n’y a rien à sténographier.

Il se doit à lui-même, par exemple, d’apprendre l’art d’avoir toujours raison, c’est-à-dire l’escrime, car, depuis quelque temps, dans notre contrée, les duels sont fort en vogue, tellement qu’au jour où nous sommes, c’est une honte de n’avoir pas estropié quelque ami sur le champ d’honneur. Autre chose non moins importante : Il lui est de première nécessité de se vêtir en toréador, afin de pouvoir proposer, le cas venant, et il viendra, une partie d’épées entre jeunes amateurs dans toute représentation extraordinaire de taureaux ; par ces deux aptitudes il deviendra un soutien de la patrie, et un modèle du bon ton, suivant les usages du jour. Et même s’il pouvait se faire qu’il eût