Page:Larra - Le Pauvre Petit Causeur, trad. Mars, 1870.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour se promener, sans en compter un autre non moins intéressant qui assiste aux neuvaines et quarantaines, et un autre non moins illustre, qui, attendant ces billets, assiège le théâtre, l’arène aux taureaux, la fantasmagorie Mantilla et le cirque Olympique. »

Mais déjà les ombres descendent des hautes montagnes et chassent le monde de ces promenades hétérogènes qu’elles envahissent ; je me retire le premier, fuyant le public qui va en voiture ou à cheval, et qui est le plus dangereux de tous les publics ; et, comme mon observation a autre part affaire, je m’empresse d’examiner le goût du public en matière de cafés. Je remarque avec un singulier étonnement que le public a des goûts déraisonnables ; je le vois emplir les cafés les plus laids, les plus obscurs, les plus étroits, les pires, et je reconnais là mon public des restaurants. Pourquoi s’entasse-t-il dans celui du Prince, bas, sale et opaque, dans celui de Venise si mal servi, pourquoi a-t-il laissé tomber celui de Sainte-Catherine, spacieux et magnifique, et antérieurement le bel établissement du Tivoli, tous les deux évidemment mieux situés ? De là je conclus que le public est capricieux.

Arrêtons-nous un moment ici. À une table, quatre entêtés discutent, avec acharnement, au sujet des mérites de Montés et de Léon, de la légèreté de l’un, de la force de l’autre ; aucun d’eux ne connaît la tauromachie ; néanmoins ils se provoquent en duel, et vont à la fin se tuer pour défendre une opinion qu’à la rigueur ils n’ont pas.

À une autre, quatre procureurs qui n’entendent rien en poésie se jettent à la tête mille invectives en forme de griefs et de conclusions, dans un débat por-