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Espagnols sensés. Pour ces derniers, pour ceux qui, comme nous, croient que les Espagnols sont capables de faire ce que fait le reste des hommes ; pour ceux qui pensent que l’homme est seulement ce qu’en font l’éducation et le gouvernement, pour ceux qui peuvent se démontrer à eux-mêmes cette éternelle vérité rien qu’en considérant que les nations qui, anciennement étaient des hordes de barbares sont aujourd’hui celles qui commanditent les progrès du monde ; pour ceux qui n’oublient pas que les sciences, les arts et même les vertus ont passé de l’Orient à l’Occident, du Midi au Nord dans une continuelle alternative, ce qui prouve que le ciel n’a monopolisé en faveur d’aucun peuple la prétendue félicité et la prépondérance après laquelle nous courons tous ; pour ceux, enfin, qui sont certains de ce que notre bien-être et notre représentation politique ne doivent dépendre d’aucun talisman céleste, mais qu’ils naîtront, s’ils naissent quelque jour, de l’aplanissement des obstacles et de nous-mêmes ; pour ceux-là nous ferons une réflexion qui nous justifiera pleinement à leurs yeux de nos continuelles détractions ; réflexion qui pourra être la clef de nos bavardages, et la véritable profession de foi de notre patriotisme bien entendu. Les adulateurs des peuples ont toujours été, comme les adulateurs des grands, leurs plus préjudiciables ennemis ; ils leur ont mis un bandeau sur les yeux, et pour bénéficier de leur faiblesse, ils leur ont dit : Vous êtes tout. De cette basse adulation est né le fol orgueil qui fait croire à beaucoup de nos compatriotes que nous n’avons aucun progrès à faire, aucun effort à tenter, aucune ambition à nourrir. À cette heure, nous le demandons à celui qui veut nous répondre de bonne foi, quel est le meilleur Espagnol ? L’hypocrite qui s’écrie : « Vous