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« Nous ne sommes pas bons à écrire ici, nos idées sont en contradiction avec les bonnes, ou avec celles du plus grand nombre ? » Comment pourrais-je ne pas concevoir une véritable contrition d’avoir compté légèrement sur la bonne volonté des amis de la vérité, qui réellement ne doivent pas être nombreux parmi nous ? Déjà, quelque autre part, nous avons dit que partout où nous tournions nos pas, nous rencontrions une muraille insurmontable, muraille que ce serait folie de prétendre renverser. Apportons-lui, au contraire comme chacun un petit moellon de plus de nos propres mains ; vivons entre nos quatre murs, sans discuter vainement si la mort doit nous surprendre, comme les moutons de Casti, rôtis ou grillés ; et si de l’autre côté, comme quelques-uns se le figuraient, est le bonheur, que dans le monde nous ne voyons aucune part, Dieu puisse-t-il le garder de longues années par là, et le donner ensuite à qui cela conviendra le mieux, car il est reconnu qu’à nous, pauvres petits causeurs, cela ne saurait en aucune façon convenir.

Un doute offensif nous reste à détruire ; c’est un éclaircissement qu’il nous pèserait plus que tout de ne pouvoir donner. Beaucoup auront cru peut-être qu’un orgueil mal entendu, ou qu’une passion inopportune et déplacée des choses étrangères ont fait naître en nous une propension à médire de celles de chez nous. Loin de nous une intention si peu patriotique ; ce doute ne peut être tombé que chez ceux de nos paysans qui, se faisant une dangereuse illusion, cherchent à se persuader à eux-mêmes que nous marchons au moins de front ou de niveau avec la civilisation du monde ; nous n’écrivons pas pour ceux qui pensent ainsi, car il vaudrait autant parler à des sourds ; nous avons adressé nos pages, bien ou mal rédigées, aux