Page:Larra - Le Pauvre Petit Causeur, trad. Mars, 1870.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ne reste-t-il plus rien à dire ? nous demandera-t-on. — Nous avons en effet beaucoup à dire encore, mais nous venons d’entrer en compte avec nous-mêmes, et abstraction faite de ce qui ne doit pas, de ce qui ne veut pas, ou de ce qui, et c’est là le plus important pour nous, ne peut pas se dire, nous pouvons assurer à nos lecteurs que nous abandonnons humblement le poste à quiconque voudra illuminer la portion du cadre que notre pauvre pinceau a laissée dans l’obscurité. Nous confessons qu’en nous engageant dans une entreprise aussi hasardée nous ne connaissions pas le visage de la crainte ; mais aujourd’hui nous consentons à ne pas faire notre salut si nous ne tremblons pas des pieds à la tête rien qu’en mettant la plume en contact avec le papier. Dans des temps où l’irritabilité de nos mœurs modernes exige que nous ayons à la fois dans la même main l’épée et la plume pour convaincre à coups d’estoc celui qu’on ne peut persuader par le raisonnement, dans des temps où il est nécessaire de tuer en duel les sots un à un, nous ne nous sentons pas assez de force pour une si longue tâche : donc, que celui qui voudra tue les Maures, ils ne m’ont fait aucun mal, à moi.

Considérez, en outre, judicieux lecteur, que tout à fait contrairement à notre goût, nous avons employé dix mois à tirer au clair une demi-douzaine d’idées, que peut-être nous avions mis des heures à concevoir, et tout cela pour les dire à force de lacune et de palliatifs, de la ridicule et unique manière dont pouvaient les entendre ceux qui ne voulaient pas les écouter. N’ayant point eu, dès l’abord, confiance en nos faibles forces, jamais nous ne nous sommes proposé de remplir un plan beaucoup plus étendu… Comment ne nous écrierions-nous donc pas en jetant la plume :