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abonde derrière eux, et compte les jours que les convenances pourront les empêcher de se montrer en public.

« Voici un mariage, avec quelle bonne foi les fiancés se promettent une constance et une fidélité éternelles.

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Tu le vois maintenant ; de toutes parts il y a des masques toute l’année : l’ami même qui veut te faire croire qu’il est ton ami, l’épouse qui te dit qu’elle t’aime, la maîtresse qui te répète qu’elle t’adore, ne t’ont-ils pas trompé toute la vie ? Pourquoi donc cet empressement à se procurer des billets ? Sors dans la rue, et tu verras les masques gratis. Je veux seulement te montrer, avant de te replacer là où je t’ai pris, un endroit où l’on dit spécialement qu’il n’y en a pas cette année. Je veux te désenchanter. Tandis qu’il parlait nous passions par le théâtre. « Vois là-bas, me dit-il, un auteur de comédie. Il se dit grand poète. Il est fort persuadé d’avoir décrit les sentiments d’Oreste, de Néron et d’Othello… Infortuné ! Mais quoi d’ailleurs ? Une immense multitude le croit aussi. Cela se voit ! Ni les uns ni les autres n’ont connu ces messieurs. Observe, et ris à ton aise. Vois-tu ces grandes planches peintes, ces toiles roulées, ces autres étendues ? Ils disent que ce sont là le camp, les maisons, les habitations, et que sais-je ! Vois-tu celui qui sort à présent ? Il dit qu’il est le grand prêtre des Grecs, et cet autre, Œdipe, les connais-tu ? — Oui, à tel signe je les ai vus ce matin à la messe. — Mais regarde-les ; maintenant ils se déshabillent, et le grand prêtre, Œdipe, Jocaste, et le peuple Thébain tout entier, s’en vont, laissant leur patrie dans les coulisses, souper sans plus de cérémonie, d’un tendre agneau, ou si tu